Kamel Daoud Remporte le Prix Goncourt 2024 pour « Houris »
Lundi, les jurés du Goncourt se sont réunis au restaurant Drouant à Paris pour annoncer leur lauréat. Kamel Daoud a remporté ce prestigieux prix littéraire au premier tour avec six voix.
Du courage littéraire
La victoire de Kamel Daoud pour son roman Houris chez Gallimard est un acte de courage de la part du jury. En effet, l’Algérie a interdit la participation de Gallimard au Salon international du livre d’Alger à cause de ce même roman. Houris raconte l’histoire poignante d’Aube, une survivante de la décennie noire (1991-2002) en Algérie, une période marquée par des violences extrêmes entre l’armée et les islamistes, causant jusqu’à 200 000 morts. Aube, enceinte et mutilée, s’adresse à sa fille à naître, lui dévoilant les horreurs vécues. La démarche de Daoud incite à briser l’amnésie imposée par la « Charte pour la paix et la réconciliation nationale de 2005 ».
Une langue puissante et incantatoire
Kamel Daoud, journaliste et auteur, né en 1970 à Mostaganem, a couvert ces événements traumatisants dans sa carrière au Quotidien d’Oran dès 1994. Il déclare que « le journalisme est essentiel mais il ne suffit jamais à raconter une guerre ». Cette phrase résonne à travers Houris, une œuvre qualifiée de « chant polyphonique », explorant les douleurs d’une Algérie marquée par le silence et l’oubli. Malgré des critiques sur un style jugé parfois répétitif et emphatique, la force narrative et l’engagement de l’auteur restent indéniables.
Consécration pour Daoud et Gallimard
Le prix Goncourt offre à Gallimard un soulagement après plusieurs défaites récentes. En 2022 et 2023, la maison avait perdu en finale, respectivement face à Flammarion et L’Iconoclaste. Cette victoire avec Houris redore le blason de l’éditeur, dont la rentrée littéraire laissait à désirer.
Kamel Daoud n’est pas étranger aux controverses. Il était déjà visé par une fatwa pour son roman précédent Meursault, contre-enquête. Avec Houris, il va encore plus loin en dénonçant l’injustice subie par les femmes et en questionnant la mémoire collective algérienne. Il met en exergue l’article 46 de la charte de 2005, soulignant la répression de ceux qui osent évoquer la tragédie nationale.
Cette reconnaissance va au-delà du monde littéraire. Le Goncourt 2024 pour Houris met en lumière un passé douloureux et des enjeux contemporains cruciaux, faisant écho aux récents événements et aux combats pour la liberté d’expression, comme celui de la jeune étudiante afghane.
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